Page:Pellerin - Le Bouquet inutile, 1923.djvu/15

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fantaisiste était fondée et il fallut bien qu’elle eût l’air de se prendre au sérieux. Étrange école ! On la reconnaissait à la pipe et à l’escargot de Derème, aux larmes de Jean-Marc, au sourire de Jean Pellerin et aux paillons que, dans son encrier, puisait Léon Vérane sans les compter.

Ainsi vont les choses dans la vie et il n’est pas besoin d’en tirer d’autres conclusions que celles qui, naturellement, en découlent, — la preuve faite une fois de plus que le talent finit toujours par s’imposer… J’avais oublié le talent, à propos des poètes qui formèrent au début le petit groupe des fantaisistes : le talent et tout ce qu’il exprimait de nouveau, pour le temps, de tendre, de sensible, de jeune, de sincère. Il n’est peut-être pas trop tard pour y revenir car, avec lui, toute une génération devait avoir assez vite à compter et à défendre ses languissantes idoles. D’ailleurs, de cent côtés, le vieux et clair langage français perçait les brumes du Symbolisme. De petites revues, comme les Guêpes, dirigées par Jean-Marc Bernard, à Saint-Rambert-d’Albon, criblaient impitoyablement de leurs traits les gloires bouffonnes des vieux cénacles ; Psyché faisait accueil à de jeunes écrivains capables d’entendre ce qu’ils voulaient ; le Divan se mettait de la partie et les Marges nous étaient acquises…

Qu’on ne s’y trompe pas ! Une école, si elle n’avait eu que la pipe de Derème pour programme, ne serait point aujourd’hui ce qu’elle est. Mais ce n’était pas une école. C’était une réaction profonde de la sensibilité contre de vieux clichés, des procédés usés jusqu’à la corde et un incroyable charabia. Il n’y avait pas autre chose. Seule-

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