Page:Pellerin - Le Bouquet inutile, 1923.djvu/16

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ment tout ceci se passait entre 1912-1913 et 1914 et nos aînés nous prenaient pour des fous.

Vers cette époque, Jean Pellerin vint à Paris et il y fit figure, durant un temps, de joyeux compagnon à Montmartre jusqu’au moment où son amitié pour André du Fresnois le rapprocha du journalisme et lui donna du goût pour un labeur quotidien. C’est alors véritablement que Pellerin disciplina ses dons et les porta si haut. On ne le voyait plus ou presque. Il travaillait. Il ne voulait garder de vers qu’ils ne lui eussent coûté de veilles à les écrire. Et ces vers, il me les récitait lorsque j’allais le voir et n’en semblait jamais content. Que de fois, cependant, l’ai-je pressé de les réunir en plaquette ou de les faire paraître dans des revues ! Il ne s’y décidait qu’à de rares exceptions, pour le Divan, par exemple, qui lui était, des très nombreuses publications qui le sollicitaient, la plus précieuse et la plus amicale. Noble exemple, s’il en est, et touchant et durable pour nos cadets qui, comme moi, sauront par cœur des poèmes aussi purs que celui-ci :

La Marguerite à l’écheveau
Penche sa gorge nue ;
Faust que le diable rend dévot
Regrette sa cornue ;

Don Juan devant un seuil galant
Huile quelque serrure ;
Masoch fait jaillir en tremblant
Deux seins d’une fourrure ;

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