Page:Pelletan – Le Droit de parler, 1862.pdf/10

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porte sous quelle latitude, j’ai en lui un concitoyen, et, sitôt qu’il découvre une vérité, il la partage avec moi, comme le pain de l’eucharistie, à la cène universelle de l’esprit.

Mais cette vérité ne peut passer à l’état de croyance, autrement convertir, une à une, chaque raison individuelle, qu’autant qu’elle correspond à la nature commune, c’est-à-dire à l’essence même de la raison ; car l’erreur, en tant qu’erreur, ne saurait jamais avoir le don de conversion ; elle entre cependant pour une part dans l’humanité. Qui pourrait le nier, sans faire lui-même preuve d’erreur ?

Oui, sans doute, mais jamais avec la complicité de la raison, contre sa volonté au contraire ; ou bien parce que la raison sommeillait dans l’ignorance, ou bien parce qu’elle avait cédé la parole à la passion. Que faut-il donc pour chasser l’erreur, cette contrebande de l’âme humaine ? Il faut précisément réveiller la raison, la rétablir dans sa puissance. Et par quel moyen ? par la discussion.

La discussion, Monsieur, voilà l’hygiène de la pensée contre l’erreur. C’est à force d’en appeler de la croyance trompée à la croyance éclairée, qu’elle maintient l’âme humaine en santé ; chaque fois qu’un esprit trébuche, il trouve à point nommé à côté de lui un sauveur inconnu pour le redresser… à condition toutefois que le sauveur ait la liberté de sauver, c’est-à-dire de parler.

Voilà ce qu’est la pensée ; voyons ce qu’est l’écrivain.