Page:Pelletan – Le Droit de parler, 1862.pdf/12

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siècle l’idée de droit enfouie dans la conscience, pour la porter au pouvoir.

Et qui donc, sans vouloir sortir de notre pays, ni remonter plus haut que le siècle dernier, a retiré la France du bagne de la féodalité, a supprimé la corvée, a effacé la torture, a déchiré la lettre de cachet, a déshonoré enfin l’effroyable monstruosité de l’ancien régime, si ce n’est un écrivain, tantôt celui-ci, tantôt celui-là, tantôt Montesquieu, tantôt Turgot, tantôt Rousseau, tantôt Voltaire ?

Et qui donc a fait la Révolution, notre foi et notre raison d’être à nous autres tous, rachetés par elle de l’indignité de la roture ? Cherchez, n’importe dans quel ordre de faits ou d’institutions, ce qui a grandi ou glorifié la France, et je vous mets au défi de trouver un droit, un principe acquis, qu’un écrivain n’ait proclamé le premier et payé de la Bastille.

Et vous-même, Monsieur, qui donc encore vous a fait au moral ? Tout ce que vous croyez, tout ce que vous savez, vous le croyez et vous le savez parce qu’un écrivain l’a dit quelque part, lorsque vous dormiez encore sur le sein de votre nourrice. Si l’anatomie pouvait disséquer l’esprit comme elle dissèque le corps humain, elle dirait à point nommé, en faisant l’analyse de votre bagage intellectuel : Voilà une idée de Benjamin Constant, voici une idée de Béranger, etc. Vous voyez combien l’état même de votre cerveau vous recommande le respect pour votre justiciable actuel, car si vous n’aviez jamais lu aucun livre, vous auriez juste l’esprit d’un sabotier du Morvan.

Pour tout dire, enfin, ce qui distingue la barbarie de