Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/29

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plus nettement, que jusqu’au moment où on a été maître de la rive gauche, « tous ceux qui étaient pris les armes à la main étaient fusillés ».

D’autre part, les cours martiales, comme celles du Châtelet et du Luxembourg, qui ont une si grosse part dans le massacre, ne pouvaient fonctionner que par la permission de l’autorité.

Le but de M. Thiers est facile à deviner. En 1871 comme en 1848, comme après 1830, le vieil homme d’Etat, si tenace dans ses idées, voyait dans les insurrections, non des orages à dissiper, mais un parti du désordre à décimer. D’autres étaient poussés par des haines furieuses : l’historien de Napoléon Ier aussi peu sentimental que le despote qu’il admirait sans réserve, ne cherchait que le bénéfice pratique du sang versé. Il savait que tout passe dans le tumulte assourdissant de la bataille. Il était trop politique pour vouloir la longue et impopulaire férocité d’une répression indéfiniment prolongée. Ce qu’il voulait, c’était, dans la surprise du premier moment, un massacre très large et très rapide.

Ses actes furent conformes à cette conception. Peu de temps après les horreurs qui marquèrent la prise de Paris, il arrêta la tuerie, on assure même qu’il essaya d’arracher quelques têtes à la commission sur laquelle il s’était déchargé de son droit de grâce, et qu’il avait, dit-on, baptisée « le peloton d’exécution ». Mais il n’a jamais renié la part du gouvernement dans les cruautés de la première heure. Dans son discours du 24 mai, il disait de la répression de la Commune : « J’ai versé des torrents de sang. »

Il se vantait un peu. Personne ne pouvait ni ordonner, ni même prévoir ce qui s’est fait. Mais il est certain que, soit au début d’avril, soit à la fin de mai,