Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/81

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

butte où ils étaient fusillés. Les autres allaient à Satory.

Plusieurs personnes m’ont raconté Cette scène navrante. — Un officier de l’armée en avait parlé à un de mes amis. Un témoin oculaire a fourni, sur elle, autrefois, les détails les plus précis au député de Montmartre. C’était M. D…, son secrétaire, qui habitait le no 2, et dont les fenêtres dominaient le jardin de la rue des Rosiers. Il donnait des détails navrants, qui auraient été incroyables, s’il y avait eu quelque chose d’incroyable à cette triste époque.

Mais voici un témoignage plus inattendu : la scène a été décrite, dès 1871, en plein état de siège, par un journal gouvernemental, le Bien public. On sait que le rédacteur en chef du Bien public était alors un des amis de M. Thiers, et qu’il détestait l’insurrection au point de se faire honneur d’avoir tué, dans le combat, lors de l’entrée dans Paris, plusieurs insurgés de sa main. C’est un mois après, le 23 juin 1871, que le journal publiait des détails rétrospectifs sur la rue des Rosiers. On devine dans quel esprit et avec quelle atténuation il pouvait le faire. Eh bien ! voici ce qu’il dit :

« On avait installé dans cette maison si tristement célèbre une prévôté présidée par un capitaine de chasseurs. Comme les habitants du quartier rivalisaient de zèle pour dénoncer les insurgés, les arrestations étaient nombreuses. Au fur et à mesure que les prisonniers arrivaient, ils étaient interrogés.

» On les contraignait à se mettre à genoux, tête nue, en silence, devant le mur au pied duquel les infortunés généraux Lecomte et Clément Thomas ont été assassinés. Ils restaient ainsi quelques heures, jusqu’à ce que d’autres vinssent les remplacer. Bientôt, pour supprimer ce que cette amende honorable pouvait avoir de cruel, on fit asseoir les prisonniers à l’ombre, mais