Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/110

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a levé cette main de chair, plus faible que le roseau, plus faible que le caillou, et tout a été dit : le cèdre n’a pas plus pesé devant lui que le chaume du sillon.

C’est que l’homme, par le fait du progrès, et du progrès seulement, entendez bien, a su ajouter à l’armature musculaire de sa main un appendice nouveau, un membre, un muscle plus dur que le granit, plus tranchant que la dent du tigre, et que d’un coup et d’un revers de ce muscle il fauche en jouant et il jette à bas la futaie.

Ce muscle, c’est la hache, organe spécial, destiné à un ordre spécial de travail. Mais l’arbre abattu, reste à le détailler. Or pour cette nouvelle opération l’homme fera venir, au simple appel de la volonté, une autre rallonge à son bras, une lame étroite, longue, dentelée comme l’épée de l’espadon. C’est la scie, c’est la dent d’acier, et sous le va et vient de cette dent, en long, en large, de haut en bas, l’arbre tombe dépecé en mille pièces, en planches ou en solives.

Il faut polir ces planches maintenant ou ces solives, avant de les mettre en œuvre, et immédiatement l’homme sent le rabot sortir du tabernacle de l’idée au bout de sa main ; les percer, et il sent la vrille ; les clouer, et il sent le marteau ; les sculpter, et il sent le ciseau ; les vernir, et il sent le pinceau ; les déplacer, et il sent la tenaille. Or, que sont toutes ces choses en réalité ? sinon des pièces de rapport du mécanisme humain, des fibres facultatives qu’il peut prendre ou quitter à sa convenance.