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INTRODUCTION — DU BEAU ET DE L'ART

de l’altitude dont l’artiste veut fixer l’image, préoccupation constante d’élever l’âme du spectateur en la charmant, telles sont les qualités qui ont fait de Raphaël le maître des peintres.

C’est une distinction toute naturelle que la classification des peintres en dessinateurs et coloristes ; cette distinction se fonde sur la différence des aptitudes et des goûts dont les artistes sont doués, et sur l’extrême difficulté de réunir les deux genres de mérite et de qualités.

Malgré l’attrait presque irrésistible de la lumière et de l’éclat dans les œuvres des coloristes, cependant les classiques, c’est-à-dire les artistes dignes d’être pris pour modèles, sont les dessinateurs. Ils parlent moins aux sens, mais ils éveillent la pensée et touchent plus profondément ; ils ne distraient pas le regard par les séductions de la lumière ; leur composition, plus sobre et plus étudiée, satisfait mieux la raison et le goût.

Avant d’être l’art d’imiter en dessin les tableaux, c’est-à-dire jusqu’au XVIIe siècle, la gravure a été une forme indépendante de l'art du dessin. Martin Schongauer (1488) a été le premier qui se servit du burin comme d’un pinceau. Cet art, porté à sa perfection par Albert Durer (1528), est la façon la plus féconde et la plus populaire d’exprimer et de faire aimer le beau ; la gravure est l’art de la famille, l’ornement de la vie intérieure, l’éducation des enfants par les yeux. Les gravures qui décorent une maison font deviner l’esprit et le goût de celui qui l’habite.