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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

les lois générales et les règles parliculières que Boileau lui-même devait promulguer cent ans plus tard, non pas seulement avec l’autorité d’un sens plus ferme, mais encore avec l’appui d’une tradition déjà longue. Boileau vilipende Ronsard en lui empruntant, sans le savoir, toute sa doctrine, et cet Art poétique où il raille de si haut le chef de la Pléiade et son œuvre, est un monument élevé en leur honneur.

Ce n’est pas à dire que le « classicisme » atteigne dès le XVIe siècle le genre de perfection auquel son développement naturel devait le conduire. Une époque aussi orageuse n’était guère favorable à la floraison des qualités classiques. Ronsard et la Pléiade avaient rompu d’un seul coup toutes les racines qui tenaient au sol national, et les formes littéraires, les genres poétiques qu’ils substituaient à ceux du moyen âge, ces genres et ces formes qui s’étaient spontanément épanouis sur le sol de la Grèce antique, ne pouvaient s’acclimater sur le nôtre qu’au sein d’une atmosphère clémente, à l’abri des intempéries sociales, par des miracles de soins vigilants et continus qui exigeaient la sécurité paisible et le loisir confiant d’un siècle plus fortuné.

À peine Henri IV a-t-il rétabli l’ordre et la paix que nous avons déjà Malherbe. Malherbe fait entrer définitivement notre poésie dans la voie où elle devait fournir, sous l’impulsion de talents plus féconds et plus richement doués, une si glorieuse carrière. L’humeur libre et aventureuse, la verve débordante, l’imagination trop souvent déréglée du xvie siècle, sont soumises dès lors à une étroite et forte discipline, et, parmi les matériaux de tout genre qu’avait accumulés l’école de Ronsard, se groupent déjà ceux qui doivent le mieux convenir à la correcte et noble architecture du xviie siècle siècle. Après la mort de Henri IV et de Malherbe s’étend une période de quelques années pendant laquelle l’œuvre du poète, comme celle du roi, peut sembler compromise. Mais l’anarchie n’est qu’à la surface ; dans l’ordre littéraire aussi bien que dans l’ordre politique, nous marchons, à travers des accidents plus ou moins profonds, plus