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LE ROMANTISME.

à son propre génie et en ne prenant guère à celui du Nord que ce qu’elle lui avait déjà confié.

Si l’avènement du romantisme marque en effet chez nous un abandon sans retour des routines serviles, il n’en est pas moins vrai que l’esprit classique, en prenant le mot dans son acception la plus large, en le débarrassant de tous les préjugés qu’y avait incorporés le pseudo-classicisme, conserve aux œuvres des plus hardis novateurs je ne sais quel type général de race et d’origine qui ne permet pas de les confondre avec les productions du génie septentrional. L’antiquité gréco-latine a passé depuis des siècles dans notre éducation héréditaire, dans nos mœurs, nos lois et nos institutions ; elle a gravé son empreinte sur le caractère même de notre peuple ; elle maintient un certain idéal de culture et d’art auquel le génie français ne saurait renoncer sans se trahir. Ceux-là mêmes parmi les poètes de notre âge qui réagissent avec le plus de violence contre des doctrines surannées, ont soin de distinguer entre l’esprit classique, dont ils maintiennent l’idéal, et la routine scolastique, dont ils combattent les superstitions.

C’est peut-être par abus qu’on a fait du néo-hellénisme une branche de l’école romantique : il est vrai pourtant que la nouvelle école nous donne le spectacle d’une renaissance grecque à laquelle un grand nombre de ses poètes ont concouru. D’ailleurs, les pseudo-classiques avaient si peu la véritable connaissance et le juste sentiment de l’art ancien qu’on se distinguait encore d’eux en laissant là les imitations de seconde main pour remonter jusqu’aux sources.

André Chénier, grâce à ses origines, grâce à un commerce assidu, grâce à la parenté même du talent, est le premier de nos poètes qui nous rend l’impression directe de la Grèce non plus de cette Grèce froide et décolorée, telle que la présentaient ses contemporains, mais d’une Grèce vivante et radieuse dont l’immortelle jeunesse resplendit sous la couronne de roses. Après Chénier, encore inconnu au début de notre siècle, Chateaubriand, ce chantre du