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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

déposé tout limon et dont aucune secousse ne trouble la limpidité.

Que de sacrifices pour atteindre à la perfection classique ! Cette langue au profit de laquelle les novateurs du xvie siècle avaient dépouillé les dialectes provinciaux, redemandé à l’antiquité domestique ses tours et ses vocables les plus expressifs, opéré tant de « provignements » qui figurèrent avec honneur dans la poésie contemporaine, les grammairiens de l’âge suivant mettent autant de zèle à l’expurger que la Pléiade en avait mis à l’enrichir.

Héritier de Ronsard, Malherbe n’en accepte l’héritage que sous bénéfice d’inventaire. Son œuvre est toute négative. Il n’invente rien, et, s’il perfectionne, ce n’est que par élimination. Avec lui, la langue du xvie siècle s’amende et se régularise, mais en s’appauvrissant. Dans cette robe aux larges plis il se taille un vêtement de coupe correcte, mais raide et étriqué. Encore Malherbe parle-t-il le français populaire ; la meilleure part de sa réforme consiste à débarrasser l’idiome poétique des locutions et des formes savantes qu’y avaient introduites ses devanciers. Il renvoie aux crocheteurs ceux qui lui demandent le secret du beau langage et ne reconnaît d’autre Académie que le Port-au-Foin. Après lui, la langue littéraire se restreint de plus en plus, non pas même à l’usage de la « ville », mais à celui des salons et de la cour. Ce qu’elle gagne de la sorte en élégance, elle le perd en vertu pittoresque : tôt ou tard elle paiera sa noblesse et sa pureté au prix de toute invention primesautière et de tout relief original.

L’Académie française se fonde pour « tempérer les dérèglements d’un empire trop populaire », pour « nettoyer le langage des ordures qu’il avait contractées dans la bouche du peuple ». Aux yeux de Vaugelas, ce bon usage dont il se dit le greffier est celui e de la partie la plus saine de la cour ». On considère la contagion des provinces comme foncièrement corruptrice ; on exclut avec soin tout ce qui tient aux écoles, au Palais, aux arts mécaniques, aux réalités de la vie ordinaire. Le traducteur de Quinte-Curce