Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire au XIXe siècle, 1900.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
RÉNOVATION DE LA LANGUE ET DE LA MÉTRIQUE.

l’ingénuité même, la saveur relevée ou la familiarité vive et forte offensaient ses délicatesses renchéries.

Les modifications introduites dans la grammaire se rapportent d’ailleurs au style plus qu’à la langue. Non seulement le romantisme n’a point inventé de nouveaux procédés syntactiques, mais encore un grand nombre de ceux qu’il essaya de rajeunir sont sortis de l’usage actuel, ou même n’ont jamais été, pour la plupart, que des archaïsmes risqués çà et là par des écrivains qui ne prétendaient point les faire entrer dans la circulation commune. « Paix à la syntaxe ! » dit Victor Hugo en déclarant la guerre à la rhétorique du pseudo-classicisme. La rénovation dont il fut le promoteur porta beaucoup moins sur les formes grammaticales que sur les mots, et l’œuvre de l’école romantique en matière de langue consista surtout, pour employer une expression de Victor Hugo lui-même, à « délivrer » le vocabulaire.

Cette expression indique assez que les novateurs se permirent rarement des néologismes. La pauvreté de la langue classique tenait, non point à l’insuffisance du dictionnaire national, mais au purisme dédaigneux avec lequel la société choisie dont l’usage faisait loi en avait exclu tout ce qui pouvait heurter ses scrupules. Le romantisme n’eut donc pas à innover, mais à restaurer. « S’il est utile, disait son chef, de rajeunir quelque tournure usée, de renouveler quelque vieille expression, on ne saurait trop répéter que là doit s’arrêter l’esprit de perfectionnement. » Ainsi, ce « démagogue horrible et débordé », comme il devait plus tard s’appeler lui-même, est à cet égard un conservateur. Il ne voit dans l’invention de mots qu’« une triste ressource pour l’impuissance ». Les maîtres de l’école romantique n’ont produit qu’un très petit nombre de termes nouveaux. Dans la seconde moitié de notre siècle, le néologisme envahira notre littérature ; mais, dans la première, l’enrichissement de la langue consiste surtout à lui rendre une partie de ses anciennes richesses.

Le romantisme fit revivre une multitude de mots qui