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LE LYRISME ROMANTIQUE.

même grâce, parfois un peu molle en sa suavité, le même besoin d’émotion religieuse. Paul et Virginie fut de bonne heure pour Lamartine le livre par excellence ; c’est celui qu’il traduit à Graziella, c’est celui qu’il fait lire à Jocelyn ; plus que tout autre, ce livre » lui parlait dans la solitude la langue de son cœur ». Joignons à Bernardin Mme de Staël et Chateaubriand, « les deux génies précurseurs qui lui apparurent, qui le consolèrent à son entrée dans la vie » : il s’appropria de l’une sa conception d’un art tout idéaliste, et l’autre offrit à son imagination des formes nobles et des contours harmonieux. Après Jean-Jacques, Bernardin, Chateaubriand et Mme de Staël, il ne manquait plus à la poésie que les ailes du rythme : ce fut Lamartine qui les lui donna.

Cette poésie nouvelle, il l’avait d’ailleurs trouvée surtout en lui-même. Un génie aussi spontané que le sien ne saurait manquer d’être original. C’est son propre cœur qu’il chanta. Entre ses devanciers et lui, il y eut je ne sais quelle communion d’idées et de sentiments qui s’explique par les subtiles influences de l’atmosphère morale. Si nous y ajoutons une éducation chrétienne, à la fois rustique et douce, des prédispositions natives à la mélancolie, une âme impressionnable, un cœur fervent pt tendre, nous aurons, avec tous ses traits caractéristiques, le Lamartine qui, sans théorie préconçue, sans système, sans apprentissage, en dehors de toute école et, si l’on peut dire, de tout art, égala d’un seul coup la poésie du nouveau siècle à ce que la prose y avait produit jusqu’alors de plus, élevé, de plus noble et de plus pur.

L’effet des Méditations fut immense. Cuvier comparait les premiers vers de Lamartine à quelque chant mélodieux qu’un promeneur entendrait s’élever tout à coup dans la solitude, et qui s’accorderait avec les sentiments intimes de son âme. Le nouveau livre fut bien pendant quelque temps « l’objet des dénigrements et des railleries du vieux parti littéraire classique, qui se sentait détrôné » ; mais les rédacteurs de la Minerve et du Constitutionnel n’eurent pas plus