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LE LYRISME ROMANTIQUE.

quand « de trois lustres à peine il a vu finir le cours », et, depuis l’âge de quinze ans jusqu’à l’extrême vieillesse, son génie ne cesse de charmer, d’émouvoir, d’éblouir le siècle, renouvelle toutes les formes de l’art, et, quand il n’est pas le guide des générations contemporaines, s’en fait le sonore et puissant écho.

Sa carrière lyrique se divise en deux parties. La première commence aux Odes pour se terminer par les Rayons et les Ombres ; il y montre déjà une variété d’inspiration et de facture qui, dans chacun des multiples aspects sous lesquels il nous apparaît, se concilie toujours avec une originalité tranchée et vigoureuse. Tantôt il se déploie, étalant dans toute leur splendeur les richesses de son imagination où se mire l’univers ; tantôt il se replie et puise à des sources plus recelées des chants plus intimes, d’une sensibilité grave et pénétrante.

Nous saisissons dans les Odes le classicisme originel du poète. Lamartine avait commencé par des « méditations », dont le nom même indique qu’elles ne rentrent dans aucun genre ; Victor Hugo attribue ses premiers essais à un genre que toutes les poétiques ont défini. Plus il ira, moins il attachera d’importance aux classifications traditionnelles, mais il restera toujours ce que ne fut jamais Lamartine, un esprit rigoureux et systématique, qui sait ce qu’il fait, qui voit avec netteté non pas seulement les contours des objets matériels, mais aussi les cadres dans lesquels il enferme l’idée ou le sentiment.

Les Odes, outre leur titre même, se rattachent encore à la tradition du xviiie siècle et par la forme et par le mouvement du lyrisme. On y trouve la périphrase, les termes nobles, tout un appareil d’images éclatantes mais parfois banales ; enfin, malgré les critiques que le poète adresse à l’ode française, il n’en abuse pas moins des apostrophes, des exclamations, des prosopopées, de toutes ces figures véhémentes et froides qui « étourdissent au lieu d’émouvoir ». Le recueil, dans son ensemble, surtout les Odes politiques, a quelque chose de tendu et de martelé. C’est