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LE LYRISME ROMANTIQUE.

son œuvre des pièces d’un charme si gracieux que Lamartine lui-même a pu en être jaloux. Ses grands morceaux symphoniques ont une ampleur, une complexité d’harmonie incomparables, et ses mélodies une simplicité délicieusement touchante.

Ce peintre si riche du monde extérieur est en même temps l’interprète le plus profond et le plus vigoureux de la vie morale. L’artiste chez lui ne se laisse pas troubler ; « irrité comme homme », il sait rester « calme comme poète ». Mais, pour Olympio lui-même, il y a des jours de peine, de tristesse, d’amertume, et ses inspirations sont alors d’autant plus poignantes qu’il y entre plus de recueillement. Certains ont eu la sensibilité plus spontanée et plus prompte ; la sienne est moins fugace, plus pénétrée, plus intense. Elle a assez de force pour supporter l’émotion et assez de substance pour la nourrir.

Il est des finesses, des subtilités de sentiment, qui supposent un défaut d’équilibre. Rien de tel en Victor Hugo. L’amour même a chez lui une placidité saine et robuste. N’y cherchons pas la langueur enivrée de Lamartine ou la passion délirante de Musset. Il ne chanta jamais qu’une femme, celle qui fut la sienne. Son amour a quelque chose de conjugal même avant le mariage, et lui inspire des épithalames d’un grave et pieux accent. Ni transports ni sanglots ; une tendresse paisible, vaillante, sereine, avec plus de ferveur que de flamme et moins de vivacité que de profondeur.

Victor Hugo se faisait d’ailleurs une trop haute idée de la poésie pour chanter les ivresses et les délires de la passion. Son but constant, quoi qu’il écrive, est d’instruire et de moraliser. Merveilleux virtuose, il fut un adversaire déclaré de « l’art pour l’art ». Il ne fit qu’« un livre inutile de pure poésie » ; encore les Orientales ont-elles sonné pour la Grèce le réveil et l’affranchissement. Il considère le théâtre comme « une tribune », comme une « chaire », et la portée morale de ses recueils lyriques ne le préoccupe pas moins que celle de ses drames. Là aussi, « il se sent responsable »,