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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

il a « charge d’âmes ». Dès la première préface des Odes, il exprime la conviction « que tout écrivain, dans quelque sphère que s’exerce son esprit, doit avoir pour objet principal d’être utile », et il se présente comme ayant tenté « de solenniser quelques-uns de ceux des principaux souvenirs de notre époque qui peuvent être des leçons pour les sociétés futures ». Il compare les élus du génie à ces sentinelles laissées par le Seigneur sur les tours de Jérusalem. Il méprise « le chanteur inutile ». Pour lui le résultat de l’art est « l’adoucissement des esprits et des mœurs », « la civilisation même », et il fait profession d’y tendre par toutes les voies ouvertes à sa pensée, par le théâtre comme par le livre, par le roman comme par le drame, par l’histoire comme par la poésie. Il voit dans le poète un « semeur », un « pasteur d’âmes », une lumière qui montre aux peuples le chemin.

Si les vicissitudes de sa pensée religieuse et politique ne s’accordent guère avec de telles prétentions, l’œuvre de Victor Hugo est celle où s’incarne le mieux la conscience inquiète de ce siècle, et, si la torche qu’il a fait « marcher devant les peuples » vacille souvent entre ses mains, il en porte du moins la lumière vers les plus hautes questions que notre âge s’est posées. « Tout poète, avait-il écrit lui-même, doit contenir la somme des idées de son temps. »