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CHAPITRE IV

LE LYRISME ROMANTIQUE

II

Lamartine s’est toujours tenu en dehors de toute école ; Alfred de Vigny s’isole de bonne heure et s’enferme en sa tour d’ivoire : Victor Hugo, soit par la puissance de son génie, soit par son activité militante, soit enfin par ce qu’il y avait de systématique dans ses vues et dans le caractère même de son esprit, exerça sur la poésie contemporaine une influence de plus en plus décisive, il est le chef reconnu de deux « cénacles » successifs. Le premier n’avait guère fait que s’essayer à une transition bien timide entre le goût classique et les aspirations nouvelles ; aucun de ses membres, déjà fort oubliés, ne nous apparaît avec une figure distincte. Au second se rattachent Sainte-Beuve, Alfred de Musset, puis, après 1830, Théophile Gautier, chef « des poètes barbus et des artistes à tous crins ».

Du premier recueil de Sainte-Beuve se dégage une aride tristesse, non pas la mélancolie caressante de Lamartine, le noble pessimisme de Vigny, la pénétrante gravité de Victor Hugo, mais un désenchantement stérile, un dégoût qui corrompt tout ce qu’il touche, quelque chose de terne et de précocement flétri. Comme le héros de Sénancour auquel il emprunte son épigraphe, Joseph Delorme s’est trouvé,