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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

n’écartons-nous pas aisément tout souvenir douloureux qui pourrait troubler notre bonheur ?

« Loin de démolir l’art, écrivait Victor Hugo, les idées nouvelles ne veulent que le reconstruire plus solide et mieux fondé. » Que le romantisme ait opéré sur la scène une révolution, ce n’est pas contestable. Pourtant, il s’attaque beaucoup moins à l’esthétique intime du classicisme, qui revit avec une nouvelle force dans le nouveau drame, qu’à des convenances de mode, à un costume vieilli, à une rhétorique et à une mise en scène devenues incompatibles avec la nouvelle société. Il s’affranchit de règles trop étroites et trop formelles, mais en restant fidèle à l’esprit général qui les avait dictées. Il débarrassa la scène de contraintes surannées pour donner une représentation de la vie plus expressive et moins incomplète ; mais son idéal dramatique, s’il ne chercha pas à l’atteindre par les mêmes formules que le xviie siècle, demeurait encore, dans ses traits essentiels, conforme à celui de nos poètes nationaux. La logique des développements, la juste économie des moyens, la forte sobriété de l’action, tels sont les caractères principaux du drame romantique aussi bien que de la tragédie. À travers tant de commotions et de tourmentes, le fond même du génie français était demeuré intact.

Le théâtre romantique peut se résumer tout entier dans trois poètes, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Alexandre Dumas.

Victor Hugo déploie sur la scène toutes les richesses de sa poésie. À l’éclat de la passion, à la vivacité des couleurs, à la grandiloquence des tirades, joignons la force des situations, l’instinct des effets scéniques, une action rapide et pressante, une puissance de composition qui maintient toujours la pièce dans son cadre et en lie étroitement toutes les parties. Si sa tentative théâtrale, malgré tant de grandes et belles œuvres, reste de beaucoup inférieure à cet idéal dramatique que lui-même avait conçu, la raison en est avant tout dans le tour éminemment lyrique de son