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L’HISTOIRE.

ment et les dispose dans un ordre convenable, suggère aux lecteurs les réflexions dont il a voulu s’abstenir. Barante proteste qu’il n’est point resté indifférent « à la grande question qui occupe et absorbe tous les esprits », celle du pouvoir et de la liberté, ou, pour mieux parler, de la force et de la justice. De fait, s’il semble n’avoir d’autre but que d’exposer les événements, aucune dissertation ne ferait comprendre mieux que son récit le besoin qu’avait la France d’un régime plus équitable et d’institutions moins oppressives. Peut-être ne transposerait-on pas sans péril à d’autres exemples la variété nouvelle que Barante introduisait dans l’histoire ; mais nous pouvons conclure avec Sainte-Beuve qu’il en a su rendre l’exception heureuse et piquante.

Tandis que l’école pittoresque se prend de préférence aux mœurs, aux passions, aux circonstances distinctives, aux détails caractéristiques qui peuvent illustrer la narration, les historiens de l’école philosophique se proposent, non plus de raconter et de peindre, mais de rechercher les lois du monde moral auxquelles se rattachent les événements historiques. Ils commencent sans doute par étudier les faits ; mais ce n’est là pour eux qu’un travail préparatoire, et leur véritable fonction consiste à grouper ces faits, à les ordonner selon les vues de la raison humaine, à rétablir dans ses grandes lignes le plan général d’après lequel ils se sont déroulés.

Bien des écrivains antérieurs avaient, eux aussi, demandé aux événements des leçons de morale et de politique. Mais ils portaient dans l’histoire leurs préjugés et leur parti pris ; ils violentaient les documents pour les accommodera des thèses préconçues ; ils n’avaient pas cette largeur impartiale et ce désintéressement de l’esprit sans lesquels il n’y a point de véritable historien. Ce qui leur manquait encore pour pénétrer dans l’intelligence du passé, c’est le goût et le sens des origines, qui sont l’âme de la science historique. Voltaire exprime l’opinion de son temps quand il dit que