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LA CRITIQUE.

relatif de chaque chose et de chaque organisme ». À ses yeux, le jeu et le triomphe de la critique, c’est de se mettre à la place de l’auteur et au point de vue de la question qu’on examine, de lire tout écrit selon l’esprit qui l’a dicté. Pendant plus de quarante ans il a traité toute sorte de sujets, portant dans l’étude des hommes et de leurs œuvres une faculté d’assimilation qui s’applique avec la même aisance tantôt à Pascal et tantôt à Gavarni, tantôt à Ballanche et tantôt à Stendhal. Pour lui emprunter une comparaison, il a été vraiment comme le vismara, ce papillon des Indes qui prend la couleur de la plante sur laquelle il vit. Si nous joignons à ce don merveilleux toutes les qualités naturelles de tact, de mesure, de goût, qui font de lui le plus fin des lettrés, un style capable d’exprimer les plus imperceptibles délicatesses de la pensée et du sentiment, un soin de l’exactitude matérielle qu’il pousse jusqu’aux plus menus détails comme celui de la fidélité morale jusqu’aux plus subtiles nuances, une probité littéraire que les détracteurs eux-mêmes ne sauraient contester, enfin, pour toutes les tentatives nouvelles et pour toutes les promesses de talent une attention toujours prête, une sympathie aussi cordiale qu’éclairée, nous aurons expliqué comment il est en ce siècle, non pas seulement le critique par excellence, mais, si l’on peut dire, la personnification même de la critique considérée à la fois comme une science de sagace analyse et comme le plus délicat des arts.