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CHAPITRE VIII

LE ROMAN

Le roman fut chez les initiateurs de notre siècle tout fictif dans son action et tout idéal dans ses caractères. Jean-Jacques le premier, puis Mme de Staël et Chateaubriand, l’approprièrent à l’expression de leurs sentiments intimes. La Nouvelle Héloïse, Corinne, René, sont des œuvres « subjectives », passionnées, où l’inspiration personnelle a beaucoup plus de part que l’observation. Les auteurs y mettent en scène des personnages imaginaires qui tournent aisément au type, un héros auquel ils prêtent leur âme et confient tout ce qu’il y a en eux de lyrisme débordant. Rousseau s’est peint en Saint-Preux tel qu’il aurait voulu être ; Mme de Staël et Chateaubriand s’idéalisent en Corinne et en René. Pour eux, le roman est une sorte de confession publique dans laquelle ils étaient toute leur personne. Cette « subjectivité », qui doit être considérée comme un trait caractéristique du mouvement littéraire qu’ils ont imprimé à notre siècle, ne s’accuse pas moins en ce genre qu’en tous les autres ; le romantisme s’y montra d’abord avec cette exaltation de vie intérieure qu’il devait porter bientôt non seulement dans la poésie lyrique, mais jusque dans le théâtre.

Tenu par les anciens et même par notre âge classique