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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

tente désormais du rôle qui lui revient dans les conseils politiques ou les compagnies judiciaires, et la seconde, rompant avec tout rêve d’une existence indépendante, n’a plus d’autre ambition que celle de servir le roi, soit en commandant ses armées, soit en décorant sa cour. La nation tout entière est assurée que ses véritables destinées s’accomplissent. Elle se personnifie dans le souverain et lui accorde d’autant plus qu’elle se reconnaît mieux en lui. La monarchie achève paisiblement à son profit l’unité française et attire vers elle toutes les forces vives du royaume, unanime à la glorifier. En philosophie, même confiance, même possession calme et imperturbable d’une vérité supérieure à toute atteinte. Le doute de Descartes n’est qu’un artifice de sa méthode : il pense s’être affranchi de ses croyances, mais il les conserve au plus profond de son âme en se hâtant de trouver un principe sur lequel il puisse les établir. Dans les lettres, tous les contemporains ont conscience d’une perfection définitive. Il semble que la langue ne doive plus rien perdre, n’ait désormais rien à acquérir. Les règles du goût se sont décisivement fixées : l’Art poétique de Boileau est comme une table d’airain sur laquelle le représentant attitré de la discipline classique grave pour jamais des lois immuables. L’ode simulera de tout temps ce désordre qui n’est que l’effet d’un art savant ; l’épopée « se soutiendra » toujours « par la fable » ; la tragédie produira éternellement sur la scène des personnages idéaux alternant en alexandrins symétriques leurs nobles et harmonieuses tirades. La foi est, dans tous les domaines, le caractère de l’époque. Religion, philosophie, politique, morale, art, de quelque côté que l’esprit se tourne, il n’éprouve ni trouble, ni hésitation. Il arrive du premier coup à la certitude ; il s’y installe avec une inébranlable confiance. Tous les instincts du xviie siècle le portent vers un triomphant optimisme dont sa raison lui démontre la légitimité.