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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

situées au delà de l’entendement, ou bien elle ramène l’ordre des causes à l’ordre des faits, c’est-à-dire la métaphysique à la physique. Le spiritualisme avait vu dans les causes des entités distinctes formant un monde immatériel dont il considérait notre monde comme la doublure ; s’enfonçant en pleine abstraction, il faisait de ses métaphores autant d’êtres spirituels, et pour expliquer l’univers visible, il commençait par en sortir. Cet idéalisme, après avoir dominé la première partie de notre siècle, est, dans la seconde, en butte à une réaction violente qui prétend confiner l’esprit humain dans l’étude des réalités concrètes. L’école positiviste rompt avec toute transcendance ; elle répudie également la recherche de causes premières ou de causes finales, et se tient dans l’entre-deux, qui est le domaine de la science. À la période théologique, dans laquelle l’humanité s’était expliqué la nature par le surnaturel, à la période métaphysique, dans laquelle l’anthropomorphisme avait été remplacé par l’invention de forces abstraites et d’agents occultes, succède la période positiviste, dont le caractère essentiel consiste dans la rigoureuse exclusion de tout ce qui ne se prête pas à une vérification empirique. Le positivisme n’apporte point une nouvelle théorie. Il considère les théories comme des imaginations sans consistance, suggérées à l’esprit humain par le vain désir d’une unité artificielle. Ce qu’il apporte, c’est une méthode, la méthode scientifique, qui a pour outils l’observation et l’expérience. Il bannit les symboles, les entités scolastiques. Il se borne à constater les faits. L’ensemble des liaisons naturelles qu’ils ont entre eux est le seul système dont il admette la légitimité.

Une autre école prétend expliquer l’univers par une cause unique. Mais à ses yeux cette cause même consiste en un fait, et c’est par une hiérarchie de faits que notre esprit pourra se hausser jusqu’au fait suprême. L’analyse a pour point de départ la multitude éparse des phénomènes : ces phénomènes, elle les range en une série de groupes qui s’étagent les uns au-dessus des autres ; chaque groupe supérieur