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CHAPITRE II

LA POÉSIE

Quoique, dans la seconde moitié du siècle, l’esprit réaliste provoque une réaction universelle contre le romantisme sentimental, qui, depuis Mme de Staël et Chateaubriand, avait inspiré notre littérature, il ne faudrait pas croire que l’influence romantique soit entièrement épuisée. Nous la retrouverons jusque chez les maîtres de l’école nouvelle. Mais c’est naturellement dans la poésie qu’elle persiste avec le plus de force : tandis que les genres en prose vivent surtout d’analyse, la poésie semble dénoncer par elle-même un état d’âme en opposition directe avec cette impassibilité qui est la première condition d’un réalisme conséquent.

Entre les survivants de la grande génération romantique, un seul poursuit sa carrière, Victor Hugo. Il maintient avec un robuste orgueil, dans l’affaissement général des âmes et des vocations, le drapeau du romantisme, qui flotte maintenant en exil. Lamartine a quitté la poésie pour la politique, Vigny s’isole de plus en plus dans un dédaigneux silence, Musset consomme peu à peu son suicide, Gautier applique sa plume d’or à des feuilletons de théâtre, Sainte-Beuve a depuis longtemps enseveli au fond de lui-même ce poêle mort jeune à qui survit un critique, un physiologiste revenu de toute poésie. Seul, Victor Hugo