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LA POÉSIE.

l’unité fondamentale de l’œuvre immense qu’il a laissée. Les variations de Victor Hugo sont dominées par une croyance inébranlable dans l’ordre universel et dans le progrès. Optimiste comme toutes les fortes natures, il a prêché la confiance et l’amour. Un grave souci de moralité prête à sa poésie je ne sais quelle saine et vivifiante saveur. Il y a eu toujours en lui quelque chose de fixe et de résistant, l’idée du devoir, la foi dans la justice, dont la forme suprême est à ses yeux la clémence. Il a élevé la voix en faveur de toutes les nobles causes. D’autres ont troublé, amolli, désenchanté l’âme humaine : il l’a rassurée, affermie, encouragée, il lui a communiqué quelque chose de son obstinée et robuste vertu. Parce qu’il est le plus grand artiste du siècle, ne peut-il être en même temps celui de tous nos poètes qui a porté dans l’art les plus hautes préoccupations de la conscience, qui a eu l’âme la plus hospitalière, qui a fait de son génie le plus généreux et le plus vaillant emploi ?

Depuis le milieu du siècle, Victor Hugo assistait de loin à la transformation du romantisme. Quand le romantisme, qui fut dans le principe une renaissance du sentiment exalté par la ferveur spiritualiste, eut épuisé la vertu de son inspiration primitive, il tendit, comme toute école sur le déclin, à s’absorber de plus en plus dans les soins de la forme pure. Aux grands poètes succédèrent alors les sculpteurs de la strophe et les ciseleurs du vers. Déjà Théophile Gautier ne se rattache guère à la révolution romantique que par le côté pittoresque et descriptif. Il arbore le drapeau de l’art pour l’art. Victor Hugo lui-même, si l’esprit qui l’anime est tout idéaliste, porta dès l’abord en son œuvre une prédilection pour les images, un goût des lignes précises et des reliefs bien accusés, une plasticité de la langue et du rythme qui l’ont fait plus d’une fois accuser de matérialisme poétique. C’est par là que Gautier fut son disciple. L’auteur d’Émaux et Camées finit par faire consister tout son art dans la description de la nature. « Je