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CHAPITRE III

LA CRITIQUE

La critique, qui était jadis un art, un délicat exercice du goût, tendait, depuis Mme de Staël, à devenir une science. Dans la seconde partie de notre siècle, sous l’empire des préoccupations historiques qui la dominent toujours davantage, elle ne considère plus les œuvres littéraires que comme des « signes », comme des documents, instructifs entre tous, pour la connaissance de l’homme ; en même temps, sous l’influence de la philosophie positive qui succède au spiritualisme, elle se fait de plus en plus « naturelle » par son esprit et par sa méthode.

La critique ainsi conçue a dans Taine son théoricien en titre et son plus caractéristique représentant ; mais Taine n’est à vrai dire, et lui-même se donne pour tel, que l’« élève » de Sainte-Beuve. On trouve chez l’auteur des Lundis, soit pratiquées, soit même exposées, toutes les vues que Taine devait coordonner les unes aux autres pour en faire un système rigoureux.

Physiologiste, Sainte-Beuve l’avait presque été de profession et ne cessa jamais de l’être par goût. « Ce que j’ai voulu en critique, dit-il, ç’a été d’y introduire… de la poésie à la fois et quelque physiologie » ; il s’appelle un « naturaliste des esprits », et il appelle son œuvre « une histoire