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LA CRITIQUE.

quels nous reconnaissons encore l’unité d’origine. De même, les influences du milieu, considérées dans un seul homme, le distinguent de tous ceux qui se sont développés en d’autres circonstances individuelles, et, considérées dans telle ou telle nation, la distinguent de toutes celles qui se sont développées en d’autres circonstances générales : en France, par exemple, ce qui domine notre développement national, c’est l’organisation latine, imposée d’abord à des barbares dociles, puis brisée dans la démolition universelle, et, depuis, tendant à se reformer. Enfin, les influences du moment, considérées dans un seul homme, le distinguent de tous ceux pour lesquels ce « moment » particulier n’a pas été le même, et, considérées dans telle ou telle forme sociale, la distinguent de toutes les autres formes qui se succèdent d’époque en époque : si le développement de la nation française est déterminé par l’action des causes qui se rapportent soit au tempérament héréditaire, soit au milieu, ce développement a de siècle en siècle ses phases diverses ; « outre l’impulsion permanente et le milieu donné, il faut tenir compte de la vitesse acquise », qui varie d’une de ces phases à l’autre.

Pour étudier un seul individu ou bien une société dans son ensemble, la méthode est donc la même. Et d’ailleurs, en étudiant un individu, le critique étudie la société tout entière qui l’a produit. Ce n’est pas seulement la méthode qui est la même, c’est aussi le but. Plus l’individu est considérable (et le critique n’étudie guère que des personnalités marquantes), plus on est fondé à voir en lui le fidèle représentant du milieu dans lequel il a vécu. Les individus qui se développent le mieux sont, qu’il s’agisse de l’homme ou de tout autre animal, ceux dont les inclinations et les aptitudes correspondent le mieux à celles de leur groupe ; c’est en représentant la façon d’être de toute sa nation et de tout son siècle qu’un écrivain rallie autour de lui les sympathies de tout son siècle et de toute sa nation.

La méthode que nous venons d’exposer d’après Taine, en lui empruntant ses propres formules, suppose que l’homme