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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

une conscience suprême. Rejetant le surnaturel, il n’en reste pas moins attaché au divin. La perle de toute foi positive l’a laissé mystique. Il n’a pas de credo, mais il croit. Ce que lui représente le nom de Dieu, ce n’est pas seulement un symbole abstrait de toutes les vertus et de toutes les perfections dont nous avons l’idée : il conçoit dans le divin je ne sais quelle essence vivante, que sa raison ne peut connaître, mais qu’adore son âme sacerdotale. Bien plus, ce catholicisme même dont il a répudié les dogmes, la piété en est toujours demeurée en lui : il a toujours eu au fond du cœur sa « ville d’Is », avec l’église sonnant des cloches obstinées ; et que de fois son oreille écoule encore avec émotion le son de ces cloches qui l’appellent aux saints offices !

Mais, tandis que son âme, foncièrement idéaliste, se tourne invinciblement vers le divin, son intelligence est toute pénétrée de l’esprit critique moderne. Ce qui le détacha de ses premières croyances, ce furent, non des objections philosophiques, mais des raisons d’ordre positif : les dogmes les plus difficiles à admettre, « se passant dans l’éther métaphysique, ne choquaient en lui aucune opinion contraire ». Il abandonna le catholicisme parce qu’il trouvait de flagrantes contradictions entre le quatrième évangile et les synoptiques. Il avait perdu fort jeune encore toute confiance dans les spéculations abstraites. Au séminaire d’Issy, initié par un de ses maîtres à l’histoire naturelle générale, il se représentait déjà la nature « comme un ensemble où la création particulière n’a pas de place et où par conséquent tout se transforme ». Un « éternel fieri » lui semblait la loi universelle. Dès lors, « la science positive était pour lui la seule source de vérité ». Il a toujours eu l’analyse pour instrument. Comme l’idéalisme est le fond de sa nature morale, l’esprit analytique est le fond de sa nature intellectuelle. Ne cherchons pas ailleurs le secret des contradictions apparentes où devait nécessairement l’induire ce dualisme. Âme profondément religieuse, il distingue entre la religion et les religions. La religion, entendue dans son