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LE ROMAN.

d’aristocratie parisienne, a été fait avec « d’innombrables notes prises à coups de lorgnon », avec » des éléments délicats et fugaces lentement et minutieusement rassemblés ». Eux-mêmes remarquent quelque part que « le remplacement de la généralité par la particularité est ce qui différencie le plus la littérature moderne de l’ancienne ». Ils sont les plus i modernes » et les plus « particuliers » de nos romanciers. Ils ont peint leurs contemporains avec une ressemblance curieuse et expressive ; ils ont pris sur le fait la réalité flagrante.

Entre le mot de roman, dans le sens vulgaire qui s’y attache, et l’idée qu’ils se sont faite du genre, il y a une contradiction qu’eux-mêmes ont été les premiers à sentir. Edmond avoue qu’il a cherché sans y réussir un nouveau nom. Des livres comme ceux des Goncourt n’appartiennent que par convention à la littérature romanesque. Le roman, c’est pour eux « de l’histoire qui aurait pu être ». Mais cela ne suffit pas encore : si l’on veut laisser de côté ce qu’ils y ajoutent de « fabulation », c’est vraiment de l’histoire qui a été. « Aujourd’hui, disaient-ils en 1864, le roman commence à être la forme sérieuse, passionnée, vivante, de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, devient, par l’analyse et la recherche psychologique, l’Histoire morale contemporaine. » Madame Gervaisais est une psychologie de la religiosité chez la femme. Dans Renée Mauperin, les auteurs ont cherché à peindre avec le moins d’imagination possible la jeune fille moderne, telle que l’avait faite l’éducation artistique et garçonnière des trente années antérieures. La Fille Élisa s’intitule une sévère monographie de la prostituée non clandestine. Les Frères Zemgamno, écrits en un de ces états d’âme où la vérité trop vraie est intolérable, n’en renferment pas moins, avec leur part de fantaisie et de rêve poétique, une « sérieuse étude de l’amitié fraternelle ». La Faustin est « une étude psychologique et physiologique de jeune fille grandie et élevée dans la serre chaude d’une capitale ». Chérie est aussi une « monographie de jeune fille », mais d’une jeune fille « observée dans le milieu des