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LE THÉÂTRE.

représente, c’est l’amour tel que le pratique la société dans laquelle il vit, amour qui n’est au fond qu’un appétit physique ou qu’une curiosité des sens, et dont le monde que ses comédies mettent en scène revêt les brutalités d’une galanterie superficielle et déguise les turpitudes sous d’hypocrites circonlocutions. Cet amour, Dumas le peint avec un cynisme médical ; et, si la critique pudibonde crie à l’immoralité, il n’en accomplit pas moins son office de moraliste en « ôtant leurs voiles aux choses comme aux gens ». On lui reproche de ne pas aimer la femme ; c’est du moins pour la servir qu’il veut lui inspirer le dégoût de l’adultère, qu’il lui fait dire : « À quoi bon ?  » par Lebonnard, et : « C’est ça, l’amour ! » par Jane de Simerose.

La « prostitution », voilà le « monstre » contre lequel Dumas a porté tous ses coups. C’est à vingt et un ans qu’il écrivit le roman de la Dame aux camélias ; mais d’ailleurs l’intention de réhabiliter la courtisane était, dit-il, si loin de lui, qu’il terminait par ces mots ; « L’histoire de Marguerite est une exception ». Guerre à l’amour en dehors du mariage, telle pourrait être la devise de tout son théâtre. Ce qui nous frappe dès sa seconde pièce, Diane de Lys, c’est l’autorité supérieure du mari. Le drame, qu’on croirait d’abord consacré à la glorification de l’adultère, se termine par un coup de pistolet qui en donne le vrai sens : le comte a des torts envers Diane, mais il les avoue, il ne demande qu’à les réparer ; il lui prédit les déceptions et les hontes qui l’attendent dans une liaison irrégulière, il avertit celui qu’elle aime qu’il le tuera s’il le retrouve avec elle, et, quand il l’y retrouve, il n’accepte point un duel, il accomplit froidement un acte de justice en l’étendant mort à ses pieds. Celui des deux époux qui reste fidèle à son devoir a toujours, chez Dumas, le beau rôle. Si c’est parfois la femme, comme dans la Princesse Georges, comme dans l’Étrangère, comme dans Francillon, c’est bien plus souvent le mari. Quoique la princesse Georges et surtout Francillon proclament l’égalité absolue des devoirs auxquels le mariage assujettit l’époux et l’épouse, Dumas, qui envi-