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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

sage l’adultère en « législateur », le représente de préférence et le combat chez la femme, où il a des conséquences sociales autrement graves. Aussi, dans la Princesse Georges, Séverine pardonne au prince, et, dans Francillon, le mari aui a péché finit par retrouver sa femme encore pure ; si dans l’Étrangère, Clarkson supprime le duc, Septmonts, nous en avons été prévenus, n’était qu’« un vibrion humain ».

Dumas a ses héroïnes de courage et de vertu, mais l’idée générale qui domine son théâtre et qui en donne la signification intime, c’est la supériorité de l’homme sur la femme. Depuis Monsieur de Ryons, ses personnages favoris, dans lesquels on peut le reconnaître lui-même, sont ceux qui méprisent le sexe, tantôt avec une douce condescendance, en profitant de ses faiblesses, tantôt avec une froide et cinglante ironie, en perçant à jour ses artifices et en défiant ses séductions. Monsieur de Ryons est déjà un physiologiste, mais c’est encore un physiologiste indulgent et « sensible ». À mesure que Dumas avance dans la vie, sa morale, de l’Ami des femmes à l’Étrangère, devient toujours plus satirique et plus agressive. Il joint la cruauté à la crudité ; il fait des « exécutions ». En même temps, l’illuminisme envahit sa clinique de l’amour. Alors apparaissent les formules mystiques dont ses pièces sont le développement. Il glorifie « l’homme qui sait » ; il prosterne la femme, « qui est le moyen de l’homme », aux pieds de l’homme, « qui est le moyen de Dieu ». Après avoir montré d’abord les courtisanes des milieux interlopes, puis les courtisanes du grand monde, il s’élève jusqu’à la conception de la « Bête ». Cette Bête apocalyptique, qui ressemble à un léopard, qui a les pieds de l’ours, la gueule du lion, et à laquelle le dragon prête sa force, cette Bête vêtue de pourpre et d’écarlate, parée d’or, de pierres précieuses et de perles, et dont les sept bouches toujours entr’ouvertes sont rouges comme des charbons en feu, cette Bête souriante et rugissante à la fois, c’est la femme telle qu’elle lui est apparue, telle qu’il l’a vue et connue, la femme du demi-monde et la femme du grand monde, la femme de tous les mondes