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CONCLUSION.

tion s’applique soit à la vie matérielle, soit à la vie morale. Tel, parmi nos jeunes romanciers, ne voit dans la nature humaine que des instincts et des impulsions aveugles ; ses récits francs, sobres, d’une touche vive et forte, d’une langue simple, robuste, crue, peignent avec un relief puissant des personnages dont l’activité est toute physique. Tel porte au contraire dans la psychologie cette curiosité qui caractérise notre génération ; disciple de Stendhal, comme l’autre de Flaubert et de Zola, il ne s’intéresse qu’à des « états d’âme », à des * cas de conscience », il fait des « planches d’anatomie morale ». Mais, que le roman soit œuvre de peintre ou de moraliste, qu’il reproduise l’homme extérieur dans la bestialité de ses appétits, ou qu’il s’attache à démêler les plus fines nuances du sentiment, il a toujours le caractère d’une étude, il observe beaucoup plus qu’il n’invente, et ne comporte guère de fiction que ce qu’il en faut pour servir de cadre aux « notes » prises sur la réalité vive.

Le théâtre, depuis Augier et Dumas, se résume tout entier dans la comédie de mœurs contemporaines. Quelques poètes ont tenté de restaurer le drame historique ; mais tout leur talent ne pouvait faire revivre une forme qui nous semble aussi surannée que la tragédie. Ce que l’histoire du théâtre en ces dernières années présente de plus intéressant et de plus significatif, c’est l’effort du « naturalisme » pour appliquer une nouvelle « formule » au genre dramatique. Les romanciers naturalistes ont cru qu’ils pouvaient user sur la scène des libertés que leur donnait le livre. Après une vive campagne contre les lois fondamentales de l’art théâtral, eux-mêmes ont fait jouer des pièces qui n’ont pas encore opéré de révolution, dont les unes ont réussi en s’assujettissant à ces lois, dont les autres ont échoué pour les avoir méconnues. Nous avons vu sur la scène des drames sans commencement, sans milieu et sans fin, dont tout l’art consistait à mettre sous nos yeux une série de tableaux à, peine reliés les uns aux autres par le fil d’une action éparpillée en tous sens. Il n’y a, écrivait Dumas fils, « que