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LES PSEUDO-CLASSIQUES.

raître comme l’autre ; après les classiques du xviie et du xviiiie siècle, ils sont, eux, les pseudo-classiques.

La critique de l’époque impériale est toute de résistance ; son initiative se borne à tenter la restauration d’une poétique surannée. On sait que le xviiie siècle, si hardi en d’autres matières, l’avait été beaucoup moins dans le domaine de l’art. Voltaire lui-même observe pieusement toutes les traditions que lui léguait l’âge antérieur. Quant à Laharpe, il ne faut lui demander ni aperçus nouveaux, ni même simple curiosité d’investigation ; son rôle est d’expliquer avec élégance et d’appliquer avec justesse les règles de la tragédie française telle que Racine l’avait portée au dernier degré de perfection. Quelques esprits impatients, comme Diderot et Mercier, avaient entrevu des formes nouvelles et pressenti la révolution qui se préparait : mais le premier, malgré son génie, n’était qu’une sorte d’aventurier littéraire, et le second dut à sa hardiesse même de n’exercer sur son temps aucune influence. Le critique officiel du siècle finissant, c’est Laharpe, interprète attitré du Code classique et gardien vigilant des convenances traditionnelles.

Quand fut passée la période de confusion et de licence qui se prolonge jusqu’au début du siècle suivant, l’esprit public tendit à se reformer. Après la Ligue, on avait eu Malherbe, après la Fronde, Boileau ; après la Révolution, on eut la monnaie de Boileau et de Malherbe. Les critiques les plus connus du temps sont Dussault, Feletz, Hoffman, et surtout Geoffroy, esprit judicieux, mais grossier et lourd, ennemi de toute innovation et si peu disposé à favoriser le mouvement du jeune siècle qu’il remontait par delà le théâtre de Voltaire, dont les libertés le scandalisaient, aux formes pures de la tragédie racinienne, et par delà les romans de Rousseau, dont l’éclat et la passion lui donnaient le vertige, à la facilité coulante et au naturel uni de Gil Blas.

Ce xviie siècle, dont le pseudo-classicisme prétend défendre l’héritage, l’esprit s’en était d’ailleurs bien altère. On oubliait que, parmi nos classiques, les plus grands sont aussi les plus audacieux. On restreignait l’art à des qualités