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LES PSEUDO-CLASSIQUES.

Ce qui fait en ce temps le lyrisme, c’est un placage de brillantes métaphores, l’abus des fausses couleurs mythologiques, un enthousiasme de commande qui tarit dans notre âme toute émotion parce qu’il révèle dans celle du poète l’absence de tout sentiment vrai.

Si l’ode se réduit à un exercice de banale rhétorique, l’élégie, dont les visées sont moins hautes, a souvent du naturel et de la grâce ; mais elle n’échappe que rarement à la fadeur. Versificateur élégant et harmonieux, Millevoye s’est immortalisé par une seule pièce, et ce qui en fait tout le charme, c’est je ne sais quelle douceur alanguie. Même débilité chez Fontanes avec même délicatesse. Il a timidement essayé dans les vers ce que Bernardin avait fait pour la prose. Nous trouvons parfois chez lui une note d’émotion tendre, un sentiment de mélancolie pénétrante qui conserve encore de la fraîcheur. Mais il n’y a pas là de quoi nous présager une rénovation pourtant si prochaine. Ses accents expirent avec trop de mollesse pour être le prélude de riches et fortes harmonies. Si Fontanes fait par moments songer à Lamartine, c’est à un Lamartine adolescent qui essaierait les cordes de sa lyre sans en soupçonner encore la puissante et large sonorité.

Au théâtre, la comédie se soutient encore : le caractère de ses sujets et de ses personnages, empruntés à la société contemporaine et à la vie commune, lui assure des franchises interdites au genre tragique. Mais, si les comédies de l’époque impériale sont, en général, bien supérieures aux tragédies, leur manque de relief et d’originalité ne peut être compensé par leur naturel aimable ou leur aisance élégante. Les plus célèbres sont des esquisses, d’une observation toute superficielle, d’un fond généralement fort mince, et d’un style aussi faible que facile. Incapables de faire vivre des caractères, les auteurs s’en tiennent à des peintures de mœurs sans portée et sans conséquence, à d’agréables badinages ; ils s’égaient innocemment sur de légers travers et des ridicules fugitifs.

Quant à la tragédie, elle a d’autant plus dégénéré que