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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

commençât du moins par en donner une explication. Sept ans plus tard, il se félicitait que « ces misérables termes à querelles fussent tombés dans l’abîme de 1830, comme ceux de gluckiste et de piccinisle dans le gouffre de 89 ». « L’art, ajoutait-il, est seul resté. » Mais cet art nouveau, quoi que Victor Hugo en pensât, devait continuer à s’appeler l’art romantique, et cela sans que le romantisme eût trouvé de définition qui pût en donner une idée claire, exacte et complète.

Les uns en font tout simplement une contre-partie du classicisme, qu’ils ne définissent pas davantage ; mais, en le représentant comme une pure négation, ils ne sauraient expliquer ni sa fécondité, assez vigoureuse pour renouveler tous les genres littéraires, ni son influence, assez durable pour se perpétuer jusqu’à la fin de notre siècle et dominer encore aujourd’hui ceux-là mêmes qui s’insurgent contre elle. D’autres ont voulu y voir une brusque invasion du goût anglais et allemand ; ils méconnaissent ainsi ce qu’il y a eu de tout spontané dans les origines mêmes de cette rénovation et ce qu’il y a de tout national dans la littérature qui en est issue. D’autres encore, prenant pour cadre une ingénieuse boutade de Stendhal, font défiler sous nos yeux tous nos maîtres du xviie siècle comme d’anciens romantiques que le temps a classés et classifiés ; mais, si le vague du terme tient à la multiplicité des idées qu’il doit faire entrer dans son acception, quelle précision pourrait-il avoir quand on veut concilier en une même formule, avec le goût des beautés imprévues, l’humour aventureuse, l’esprit d’affranchissement universel qui est la marque de notre siècle, cette régularité noble, ce respect des traditions, cette sobre harmonie, qui caractérisent celui de Bossuet et de Racine ?

Le fait capital qui nous paraît dominer le romantisme dans ses origines et dans la portion la plus féconde de son développement, c’est une renaissance du spiritualisme, s’unissant par ses affinités naturelles avec le sentiment chrétien au sein d’une société dont tous les liens avaient