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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE AU XIXe SIÈCLE.

d’émotions tendres et d’espérances idéales. C’est ce retour vers les traditions du spiritualisme chrétien qui marque pour noire littérature une nouvelle ère. Lorsque Chateaubriand publia le Génie du christianisme, toute la génération contemporaine fit écho à sa voix. Si Napoléon avait rendu au catholicisme ses presbytères et ses autels, Chateaubriand le remit en possession des cœurs, moins en établissant la vérité de révélations auxquelles lui-même n’a jamais cru que par accès, qu’en montrant les affinités du christianisme avec la nature humaine et en invitant ceux-là mêmes dont la raison ne pouvait plus y croire à en admirer la beauté morale et à éprouver par leur propre expérience la vertu pacifiante de ses consolations

Pour rattacher le mouvement romantique à la renaissance religieuse qui inaugure notre siècle, il faut voir dans cette renaissance, non pas un triomphe du catholicisme dogmatique, tel que voulaient l’imposer Bonald et Joseph de Maistre, religion oppressive et sombre, faite pour tyranniser les âmes et non pour les inspirer, mais l’avènement d’un christianisme tout sentimental, qui se traduira dans notre poésie tantôt par des effusions de foi et d’amour, tantôt par des larmes de désespoir ou même par des blasphèmes, toujours par le généreux souci de ce monde idéal et divin dont les mystères ont pour organe la voix du poète.

Tout ce qu’il y avait en France d’intelligences élevées et de nobles natures s’associa à cette régénération intime dont Chateaubriand avait donné l’éclatant signal. Mme de Staël, après avoir débuté par le pur déisme, finit par chercher dans la foi nouvelle un asile contre les orages de la passion, et prêta au réveil des aspirations chrétiennes le secours de son éloquence ardente et communicative. C’est en vain que les derniers champions du xviiie siècle essayèrent de protester ; désormais la froide et sèche ironie a fait son temps : une autre ère commence, avec le Génie du christianisme pour Évangile. L’incrédulité agressive et railleuse, qui avait condamné l’âme humaine à chercher jusque dans les hallucinations et la magie de quoi satisfaire son invin-