Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
VOLTAIRE PHILOSOPHE

ticle Fraude du Dictionnaire philosophique, il proteste que les laboureurs et les lettrés proviennent de la même pâte[1] ; dans l’Épître aux Frères, que, si tous, bachas et charbonniers, sultans et fendeurs de bois, sont également des hommes, rien n’empêche « le plus bas peuple » de « connaître la vérité » (XLIV, 9). Enfin, dans les Réflexions pour les Sots : « Si le plus grand nombre gouverné, déclare-t-il, était composé de bœufs et le petit nombre gouvernant de bouviers, le petit nombre ferait très bien de tenir le grand nombre dans l’ignorance. Mais il n’en est pas ainsi. Plusieurs nations, qui longtemps n’ont eu que des cornes et qui ont ruminé, commencent à penser. Quand une fois ce temps de penser est venu, il est impossible d’ôter aux esprits la force qu’ils ont acquise. Il faut traiter en êtres pensants ceux qui pensent comme on traite les brutes en brutes » (XL, 145). Ne soyons pas surpris si Voltaire exprime parfois la crainte que la populace ou la canaille ne puisse jamais s’éclairer : c’est sans doute par impatience ou par colère, en voyant à quelles absurdités, à quelles horreurs la portent encore l’ignorance et la superstition. Mais il fait tous ses efforts pour l’instruire. Et il ne désespère pas de la rendre plus sage, plus raisonnable ; et même, ses lettres des dernières années signalent bien souvent l’heureuse révolution qui déjà s’opère dans les esprits, soit parmi les classes moyennes, soit jusque chez le bas peuple.

Une des idées essentielles par où s’explique la philosophie de Voltaire, c’est l’idée du progrès, d’un

  1. XXIX, 521.