(Dict. phil., Nouveau, XXXI, 289). Il blâme la timidité excessive qui nous empêche trop souvent de faire les réformes les plus nécessaires, ou la patience avec laquelle nous supportons les plus criants abus. Lorsque la vénalité des charges judiciaires vient d’être abolie : « Non seulement, déclare-t-il, cet abus paraissait à tout le monde irréformable, mais utile ; on était si accoutumé à cet opprobre, qu’on ne le sentait pas ; il semblait éternel. Un seul homme, en peu de mois, l’a su anéantir » (Dict. phil., Vénalité, XXXII, 420). Quelquefois même, Voltaire parle en « radical ». Lorsqu’il dit, dans l’article Lois du Dictionnaire philosophique. « Voulez-vous avoir de bonnes lois ? brûlez les vôtres et faites-en de nouvelles » (XXXI, 67)[1], ce n’est là sans doute qu’une boutade. Mais c’est une boutade que nous ne trouverions certes pas dans Montesquieu.
Peu révolutionnaire par sa forme d’esprit et son tempérament, Voltaire n’en augure pas moins la révolution prochaine, et, d’avance, il y applaudit. « Tout ce que je vois, écrit-il au marquis de Chauvelin, jette les semences d’une révolution qui arrivera immanquablement et dont je n’aurai pas le plaisir
- ↑ Cf. la Lettre à M. Perret citée plus haut, p. 237. — Cf. encore Lettre à M. Dupaty du 27 mars 1769 : « Plût à Dieu que la France manquât absolument de lois ! on en ferait de bonnes. Lorsqu’on bâtit une ville nouvelle, les rues sont au cordeau : tout ce qu’on peut faire dans les villes anciennes, c’est d’aligner petit à petit. » — Lettre à Frédéric du 31 août 1775 : « Nos lois sont un mélange de l’ancienne barbarie mal corrigée par de nouveaux règlements. Notre gouvernement a toujours été jusqu’à présent ce qu’est la ville de Paris, un assemblage de palais et de masures, de magnificence et de misères, de beautés admirables et de défauts dégoûtants. Il n’y a qu’une ville nouvelle qui puisse être régulière. »