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VOLTAIRE PHILOSOPHE

leur instruction. Et, dans les Universités, la méthode est la même. Par exemple, on tient les étudiants en droit appliqués trois années de suite à la législation de la Rome ancienne, comme s’ils devaient vivre du temps de Scipion l’Africain ou des Gracques. Faut-il donc se donner tant de peine pour apprendre ce qu’on oublie aussitôt et ce qui ne sert à rien[1] ?

Sur l’éducation des filles, Voltaire entre dans plus de détails.

Il déclare la femme inférieure à l’homme soit pour la vigueur du corps, soit pour certaines facultés intellectuelles, notamment pour la force d’invention. Il reconnaît d’ailleurs que beaucoup de femmes ont été très instruites, que d’autres ont su gouverner ; et même, reprenant Mézeray, d’après lequel la loi salique aurait exclu le sexe féminin comme incapable, il allègue le droit de régence si bien exercé par Blanche de Castille ou par Anne de Beaujeu[2].

On doit instruire les femmes, fût-ce uniquement pour le commerce du monde. Dans l’Épître à Mme du Châtelet qui précède Alzire, Voltaire dit qu’elles s’ennoblissent en cultivant leur raison, que l’esprit leur donne de nouvelles grâces ; et, s’il loue Molière d’avoir raillé l’affectation et le pédantisme des Cathos ou des Philamintes, il regrette que Boileau n’ait pas appris l’astronomie au lieu de railler celles qui l’apprenaient. Selon lui, les femmes peuvent être « philosophes » sans « abandonner les devoirs de leur état » (IV, 149 sqq.). Ailleurs, il taxe de « ridicule » l’éducation donnée par les couvents ; il se plaint qu’on y

  1. Lettre à M. Robert, 23 févr. 1764 (cette lettre a été écrite en réalité à Guyton de Morveau ; cf. édition Moland, XLIII, 438).
  2. Dict. phil., Femmes, XXIX, 354, 355.