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POLITIQUE

favorise chez les filles un désir immodéré de plaire, quitte à les punir si elles mettent en pratique le seul art dont elles aient reçu des leçons[1].

Dans le dialogue entre Mélinde et Sophronie, il nous expose avec quelque suite ses vues sur la manière de les élever. Sophronie n’a pas été envoyée au couvent, car ce n’est pas au couvent qu’elle devait passer son existence. On lui a fait connaître le monde et les spectacles, on lui a appris à penser par elle-même, on l’a traitée comme un être intelligent dont il faut cultiver l’âme, et non comme une poupée qu’on attife. Ainsi préparée à la vie, cette jeune fille, qu’on laisse libre de se marier suivant ses inclinations, refuse Éraste, malgré son goût pour lui, dans la crainte « d’être tyrannisée » ; Sophronie épousera Ariste, qu’elle estime, qu’elle espère aimer, et qui ne la tyrannisera pas[2]. Le mariage se rend sacré par l’union des époux plutôt que par l’assujettissement de la femme[3].

Voltaire préconise le mariage au point de vue moral et social : d’ordinaire, les hommes mariés ont une meilleure conduite, et les vols ou les meurtres sont, parmi eux, beaucoup plus rares. « Voyez, dit-il, les registres affreux de vos greffes criminels ; vous y trouverez cent garçons de pendus ou de roués contre un père de famille » (Dict. phil., Mariage, XXXI, 127). Il loue les Juifs d’avoir le célibat en

  1. Dict. phil., Adultère, XXVI, 112.
  2. L’Éducation des filles, XL, 381 sqq.
  3. Dans un opuscule intitulé : Femmes, soyez soumises à vos maris, Voltaire met en scène la maréchale de Grancey protestant contre ce mot de saint Paul. Si la nature a fait les femmes différentes des hommes, elle ne les a pas destinées à être leurs esclaves (XLIII, 612 sqq.).