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VOLTAIRE PHILOSOPHE

décident de notre fortune et de notre vie ; mettre en vente une fonction qui donne ce droit est le plus scandaleux des marchés. Il conseille aux rois de vendre, si la nécessité les presse, leurs biens, leur vaisselle plate, leurs diamants, plutôt que les offices de judicacure[1].

On sait que la vénalité fut supprimée en 1771 par Maupeou. Voltaire en témoigna maintes fois sa satisfaction ; par exemple dans la dernière page de l’Histoire du Parlement, il félicite Louis XV d’avoir « lavé l’opprobre » qui, depuis François Ier et Duprat, « souillait la France »[2].

Ce n’est pas seulement le corps des magistrats qu’on doit réformer, ce sont encore les lois elles-mêmes.

Et d’abord, il faut en établir l’unité. Que peut être la justice dans un pays où la législation varie d’une ville à l’autre ? Celui qui court la poste, dit Voltaire, change de lois aussi souvent que de chevaux. Bien plus, deux chambres d’un même Parlement se règlent selon des maximes différentes. Rien qu’à Paris,

  1. Instruction au prince royal de ***, XLIII, 428. — Cf. Dict. phil., Esprit des Lois, XXXI, 89; A, B, C, XLV, 23 ; Commentaire de l’Esprit des Lois, L, 82 ; Siècle de Louis XV, XXI, 423.
  2. XXII, 366. — La vénalité fut rétablie quatre ans après. Voltaire commence ainsi la section III de l’article Gouvernement du Dictionnaire philosophique : Un voyageur racontait ce qui suit en 1769 : « J’ai vu… un pays… dans lequel toutes les places s’achètent… On y met à l’encan le droit de juger souverainement de l’honneur, de la fortune et de la vie des citoyens, comme on vend quelques arpents de terre. » Dans l’édition de 1774, Voltaire met en note : « Si ce voyageur avait passé dans ce pays même deux ans après, il aurait vu cette infâme coutume abolie, et quatre ans encore après, il l’aurait trouvée rétablie » (XXX, 100).