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Page:Pelloutier - Histoire des bourses du travail, 1902.djvu/33

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préface

possèdent donc une valeur toute spéciale aux yeux des personnes qui s’occupent d’observer les phénomènes sociaux et qui cherchent à tirer parti de l’expérience.

Pelloutier considérait les Bourses fédérées comme le type le plus parfait que l’on puisse adopter pour l’organisation ouvrière ; quelques personnes trouveront probablement cette opinion un peu absolue ; toutes les études faites de notre temps amènent, en effet, à reconnaître qu’il n’y a point de règles universelles dans les sciences sociales, que les traditions exercent une grande influence sur les divers modes de groupement et que les institutions d’un pays se transportent difficilement dans un autre[1]. Il faut entendre la thèse de Pelloutier dans un sens relatif ; d’ailleurs, tous les hommes d’action ne parlent jamais d’une manière absolue ; leurs jugements sont toujours déterminés par certaines préoccupations pratiques qu’ils omettent parfois d’énoncer et qu’il est facile de découvrir en se reportant à leur vie.

Quand des socialistes parlent des institutions ouvrières, ils ne séparent jamais leurs appréciations de trois ordres de considérations : tendances qu’ils croient découvrir dans la société capitaliste, conditions dans lesquelles s’opérera d’après eux la rupture mettant fin au monde actuel, conjectures sur l’avenir. Quand on n’a pas une connaissance exacte de cette triple racine des jugements socialistes, on s’expose à mal comprendre ce qu’on lit. — Il est très facile de voir que Pelloutier n’a pas cherché à dissimuler un seul instant l’influence que sa conception personnelle du devenir a exercée sur ses jugements.

Il est impossible d’échapper à cette nécessité du relativisme : par exemple la théorie de la lutte des classes dans Marx dépend de l’idée que Marx s’est faite du processus historique

  1. Cf. préface de P. de Rousiers au livre de L. Vigouroux, la Concentration des forces ouvrières dans l’Amérique du Nord (Colin, éditeur).