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Page:Pelloutier - Histoire des bourses du travail, 1902.djvu/67

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histoire des bourses du travail

encore trop hardis au gré de l’Ordre moral. Ils se disaient, en effet, républicains, et des républicains adonnés à l’économie sociale, eussent-ils la ferme intention de ne jamais discuter la politique de M. de Broglie, pouvaient devenir des ennemis dangereux. Le Cercle de l’union syndicale ouvrière fut donc dissous, et si l’autorité n’inquiéta pas les chambres syndicales, c’est que ces chambres, peu nombreuses, sans existence certaine, privées par la dissolution du Cercle de tout lien commun, paraissaient vouées à l’impuissance et à une disparition prochaine.

Comment donc subsistèrent-elles ? Comment se fit-il qu’en 1875 on en comptât cent trente-cinq dont quelques-unes, notamment celle des tisseurs roubaisiens, doutes de quelque activité ? Il semblait bien qu’après l’hécatombe de 1871 tout essai d’affranchissement du prolétariat fût devenu impossible et que le peuple, s’il n’avait perdu jusqu’au goût de la liberté, souvent endormi, jamais mort, fût du moins condamné à subir longtemps le joug capitaliste. Or, moins de quatre ans après la défaite de l’insurrection, deux ans après la dispersion finale de toutes les intelligences et de toutes les énergies ouvrières, voici que se révélaient des intelligences et des énergies nouvelles, et que la foule des travailleurs, un instant arrêtée, reprenait sa marche vers l’émancipation. N’était-ce pas que l’intuition populaire perçût dans l’association par classes l’unique moyen de transformation sociale et que, malgré ses sentiments de conciliation économique, malgré son apparente indifférence politique, sous l’empire, en quelque sorte, d’une clairvoyance irraisonnée, l’ouvrier devinât dans le communisme des idées et des intérêts à la fois l’instrument de destruction du despotisme et l’instrument d’édification de l’harmonie économique ?

Quoi qu’il en soit, il existait donc vers 1875 cent trente cinq chambres syndicales, soumises aux articles 291 à 294 du Code pénal, à la loi du 10 avril 1834 et aux décrets du 25 mars et du 2 avril 1852. Tant que dura la période de réaction, ces chambres syndicales, trop heureuses de n’être

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