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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/148

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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

tes maux, à t’occuper de toi avec complaisance, à t’ajuster, et à troubler ton âme de ces vains soucis ? Non certainement ; et tu aurais pu dès longtemps te débarrasser de ces défauts. Seulement, tout ce qu’on aurait pu encore te reprocher, c’eût été d’avoir tant tardé à le faire et d’avoir eu trop de peine à écouter la raison ; car tu aurais dû depuis longues années t’y exercer, en désapprouvant dans ton cœur cette inertie et en n’en faisant point tes délices.

VI

Tel homme, après s’être bien conduit en faveur de quelqu’un, est tout prêt à lui faire payer le service[1] dont il l’a obligé. Tel autre est moins pressé ; mais, à part lui, il se figure qu’il a une créance, et il se garde d’oublier le service qu’il a rendu. Enfin, un dernier ne sait même plus ce qu’il a fait, pareil à la vigne qui porte sa grappe[2],

  1. Lui faire payer le service. La remarque est profondément juste ; pour la plupart des hommes, c’est un marché qu’ils entendent faire quand ils font le bien ; et il est assez rare que leur conduite ne soit pas un calcul. L’homme de bien au contraire ne mérite ce beau nom qu’en faisant le bien pour le bien seul, sans avoir jamais le moindre retour sur lui-même.
  2. Pareil à la vigne qui porte sa grappe. Image gracieuse, tout à fait