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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XIX

Tout a été fait en vue d’un certain résultat, le cheval[1], la vigne. T’en étonnes-tu ? Le soleil même te dira[2] : « J’ai été fait dans tel but. » Les autres Dieux en pourront dire autant. À quelle intention as-tu donc été fait toi-même ? Est-ce pour le plaisir ? Examine un peu si la raison te permet de le croire.

XX

La nature se propose toujours un but[3], et elle ne s’occupe pas moins de la fin des choses que

  1. Tout a été fait en vue d’un certain résultat. Le grand principe des causes finales éclate dans l’homme lui-même bien plus encore que dans la nature. Il est de toute évidence que notre œil a été fait pour voir, notre oreille pour entendre, et que chacun de nos organes a son but spécial dont nous ne pouvons pas douter. Au contraire, les objets du dehors sont employés par nous selon leurs conditions et leurs aptitudes ; mais on ne peut pas dire aussi précisément en vue de quoi ils ont été faits. Le cheval est un admirable auxiliaire de l’homme ; mais on ne peut pas dire que le cheval ait été fait expressément pour devenir une monture, ni la vigne pour que nous en tirions une liqueur excellente. Cette incertitude n’existe pas en ce qui nous concerne directement ; et notre organisation si complexe et si merveilleuse est une preuve manifeste que nous portons sans cesse en nous-mêmes, indépendamment et au-dessus de toutes les œuvres extérieures.
  2. Le soleil même te dira. Tournure d’un goût assez douteux. Voir plus haut, l. VII, § 68.
  3. La nature se propose toujours un but. C’est le grand