Aller au contenu

Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

dans chacun de nous son domaine distinct. Autrement, le vice de mon voisin deviendrait mon vice personnel. Mais Dieu ne l’a pas voulu, afin qu’un autre ne pût pas à son gré faire mon malheur.

LVII

Le soleil semble épancher et répandre sa lumière, et en effet il l’épanche dans le monde entier ; mais, en s’épanchant, il ne s’épuise jamais[1]. Cet écoulement n’est qu’une simple extension. Le mot qui, dans la langue grecque[2], signifie ses Rayons a la même étymologie que le mot qui exprime l’idée de s’étendre et de s’épancher. Tu peux voir en effet ce qu’est précisément un rayon de soleil, en observant la lumière qui s’introduit dans une pièce obscure, à travers une ouverture étroite. Elle s’étend et marche en ligne droite ; puis elle se partage, pour ainsi dire[3], en rencon-

  1. En s’épanchant, il ne s’épuise jamais. La comparaison appliquée à notre esprit n’est peut-être pas très-exacte ; il s’épuise et se fatigue. La lumière du soleil ne diminue pas, du moins autant que nous en pouvons juger, quoiqu’il ait aussi ses défaillances.
  2. Le mot qui dans la langue grecque. J’ai dû paraphraser ce passage pour le rendre tout à fait clair.
  3. Elle se partage pour ainsi dire. L’expression serait plus juste si l’on disait :