Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
393
LIVRE X, § XXXVII.

donc nous faire souhaiter de demeurer plus longtemps ici-bas ? Toutefois ne va pas, en partant, montrer moins de bienveillance[1] pour eux ; conserve à leur égard ton caractère habituel ; reste affectueux, indulgent, doux, et ne semble pas avoir l’air d’être éconduit. Mais de même que, quand on a une mort facile, l’âme s’exhale aisément du corps, de même il faut que tu prennes congé de tes semblables avec une inaltérable sérénité. Car c’est la nature[2] qui avait formé ton lien avec eux et qui le rompra. Mais voici qu’elle le rompt. Eh bien, je me sépare d’amis qui me sont chers, sans qu’on ait besoin de m’arracher d’au milieu d’eux, et sans qu’il faille me faire violence ; car cette séparation même est une chose qui n’a rien que de conforme à la nature.

XXXVII

Autant que possible[3], quand tu vois agir quelqu’un, prends l’habitude de te demander à toi-

    sateur.

  1. Montrer moins de bienveillance. Le sentiment est admirable, et il tempère ce que peut avoir de douloureux cette analyse du cœur humain.
  2. C’est la nature… En d’autres termes, la Providence. L’argument est décisif dans la doctrine stoïcienne.
  3. Autant que possible… La pensée de ce paragraphe