Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

IV

Calcule un peu depuis combien de temps tu remets de jour en jour cette résolution[1] et combien de fois, trouvant l’occasion offerte par la clémence des Dieux, tu n’as pas su la mettre à profit. Il te faut donc finir un jour par sentir de quel ordre tu fais partie et quel est l’être ordonnateur de ce monde, de qui tu n’es qu’une éma-

    des lois immuables ; et nous nous appliquerons aujourd’hui à méditer les secrets de cette céleste politique, qui régit toute la nature et qui, enfermant dans son ordre l’instabilité des choses humaines, ne dispose pas avec moins d’égards les accidents inégaux qui mêlent la vie des particuliers que les grands et mémorables événements qui décident de la fortune des empires. » Sermon sur la Providence.

    Ailleurs, Bossuet dit encore : « Ainsi, sous le nom de Nature, nous entendons une sagesse profonde, qui développe, avec ordre et selon de justes règles, tous les mouvements que nous voyons. » Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, ch. IV.

  1. Tu remets de jour en jour cette résolution. Excellents conseils, dont le prix s’accroît avec la durée même de la vie. Plus on s’approche de la mort, plus on doit sentir la nécessité de se recueillir. Bossuet, dans le sermon sur la Mort, prêché devant le Roi, a dit : « C’est une étrange faiblesse de l’esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente quoiqu’elle se mette en vue de tous côtés et sous mille formes diverses… et je puis dire que les mortels n’ont pas moins de soin d’ensevelir les pensées de la mort que d’enterrer les morts mêmes. » Sénèque a dit : « Ce jour que vous appréhendez comme le dernier de votre vie est celui de votre naissance pour l’éternité. » Épître ciii, à Lucilius. Puis il ajoute : « Que direz-vous de cette clarté divine quand vous la pénétrerez dans sa source ? »