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LIVRE II, § V.

nation. Tu dois comprendre que la brièveté du temps qui t’est accordé est très-circonscrite et que, si tu n’emploies pas ce temps, il disparaîtra comme tu dois disparaître toi-même sans pouvoir jamais revenir.

V

À toute heure, songe sérieusement, comme Romain et comme homme[1], à faire tout ce que tu as en mains, avec une gravité constante et simple, avec dévouement, avec générosité, avec justice ; songe à te débarrasser de toute autre préoccupation ; tu t’en débarrasseras si tu accomplis chacun de tes actes comme le dernier de ta vie, en les purifiant de toute illusion, de tout entraînement passionné qui t’arracherait à l’empire de la raison, de toute dissimulation, de tout amour-propre et de toute résistance aux ordres du destin. Tu vois de quel petit nombre de pré-

  1. Comme Romain et comme homme. Si la première de ces deux qualités est particulière, l’autre est générale ; et les conseils qui suivent s’adressent à tout le monde. Il n’est pas interdit de chercher dans l’idée de la patrie un nouvel aiguillon pour bien faire ; mais la nature humaine comprise dans toute son étendue y suffit ; et les devoirs de l’homme sont encore les plus universels de tous. Ceux du citoyen ne viennent qu’en seconde ligne, à la fois comme plus étroits, et moins désintéressés.