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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

7

Ne rougis pas d’être secouru. Comme un soldat dans l’assaut d’un rempart, tu as à accomplir la tâche qui t’est échue. Que feras-tu donc si ta jambe boiteuse ne te permet pas de monter seul sur le créneau, tandis que tu pourrais y parvenir avec l’aide d’un autre[1] ?

8

Ne t’inquiète pas de l’avenir ; tu y arriveras, s’il le faut, portant avec toi cette même raison[2] dont tu te sers pour le présent.

9

Toutes les choses sont entremêlées, et le lien qui les enchaîne est divin. Il n’y en a pour ainsi dire point qui soient étrangères l’une à l’autre. Elles ont été arrangées ensemble et contribuent à l’ordre du même univers. Il n’y a qu’un univers fait de l’ensemble des choses, un seul Dieu dans toutes les choses, une seule matière, une seule loi, la raison commune[3] à tous les êtres intelligents, une seule vérité : car il n’y a qu’une seule perfection pour tous les êtres de même origine et participant à la même raison.

10

Toute matière disparaît bientôt dans la substance universelle, toute cause rentre bientôt dans la raison universelle, toute mémoire est bientôt ensevelie dans la durée éternelle[4].

11

Pour l’être raisonnable, la même action est à la fois conforme à la nature et à la raison.

  1. [Cet article exprime la même idée que la partie importante de la pensée VII, 5, où nous relevons le verbe καθήκειν (voir la note précédente). Il ne semble pas qu’il y ait une différence de sens appréciable entre les mots τὸ ἐπιϐάλλον ἐνεργεῖν que nous trouvons ici et l’expression τὸ καθῆκον ποιεῖν de la pensée IV, 22. Nous avons signalé ou signalerons à l’occasion (VI, 19 ; VII, 13, en notes) d’autres synonymes possibles de τὸ καθῆκον. — Comme τὸ ἐπιϐάλλον, ὠφελούμενος a ici un sens moral. Voir infra VII, 74, en note, la définition stoïcienne de l’ὠφέλεια.]
  2. [Var. : « muni de cette même doctrine. » — Cf. la note à la pensée IV, 30.]
  3. [Couat : « une seule loi, une seule raison commune… » — Il faut voir dans les mots λόγος κοινὸς πάντων τῶν νοερῶν ζῷων la définition même de la loi. Cf. supra IV, 4.]
  4. [Cf. IV, 21, note finale. Nous avons rencontré à la pensée IV, 14, les deux verbes ἐναφανίζεσθαι et ἀναλαμϐάνεσθαι employés dans le même sens qu’ici.]